Ultra-book de clementborreTextes : qualité morale des couleurs




BORRE clément
plasticien, home and works in THIONVILLE 

 


06 64 19 42 80

Peinture customisée très alléchante


 

 

 

 

QUALITES MORALES DES COULEURS

 

LE NOIR:

 

Noir ivoire chaud et dense, pas de tendance brunâtre ou grise. 

Le sérieux du noir n'est plus d'actualité (surtout mat). On a tous en tête des monochromes noirs quand on vous dit "art contemporain" alors ça va... La couleur ultime, dandy, le must... why so serious ? Tout est si sérieux dans la vie, pourquoi donc poser une belle surface noire même s'il s'agit de contraster avec le reste: c'est facile d'être chiant et sérieux en peinture. La reine des couleurs avait l'habitude de fonctionner avec son rouge feu ultra émotionnel pour l'état d'esprit punk/gothique de base mais c'est terminé: elle fera cavalier seule désormais. Bien fait pour elle, pas de bras, pas de chocolat: le rouge est vraiment trop intense mis à coté des couleurs tertiaires qui me plaise, ces couleurs avec des noms de bouffe qui sont apparu depuis une dizaine d'années. Il faudrait réinventer une identité du noir dans son aspect, sa qualité de surface. Une surface noire brillante avec des reflets moirées c'est déja autre chose, vert, bleu ou violet par exemple pour un rendu spécial comme les carapaces d'insectes, toutes ses nouvelles mouches mutantes venues d'Afrique que je n'avais jamais vu dans mon enfance et qui font le régal de mes yeux l'été. Un noir disco, métallisé, retro futuristique ou cosmique comme on voudra tant qu'il nous donne l'impression d'aller ailleurs. Un cyber noir. Mais que cet aspect puisse conserver sa vertu première: une force incroyable qui pulvérise en un trait toutes ces couleurs provençales de chochottes (mauve pâle, jaune délavé, bleu peureux...) Ne pas abusé de sa force en posant des empâtements fins, pas trop de dégoulinures sinon ça redevient gore. Poison et remède.

 

 

LE BLANC:

 

"Il faut passer du monde brun au monde blanc", un peintre contemporain de Mondrian a dit ça.

La couleur de notre culture, avant c'était le brun (y'a qu'à voir toutes les toiles du Louvre). Lave plus blanc que blanc. L'univers médical, aseptisé, fantasme de la pureté absolu dans l'inconscient des occidentaux, est-ce par culpabilité post-coloniale de petit blanc que le blanc me fait flippé ? Si j'en reste au blanc, alors plus de main à la pâte, plus de boue ni de gadoue: je suis trop imparfait pour elle, autant faire sans. Etrangement ça ne sera jamais une couleur de la nature dans mon travail car je ne pense pas à la neige mais à une couleur de convention pour l'ensemble de nos meubles et habitation. Il faut qu'il soit un minimum sale pour commencer quelque chose. Un blanc cassé commence à être humain, un crème redevient chaleureux. Un blanc où on perçoit légèrement un jaune fluo est péchu, sympathique mais encore trop muet. Ils ont inventé le blanc fluo en tube: nous sommes sauvés pour l'éternité. J'ai passer ma scolarité à Cergy avec des néons blanc violent et glauque et les fonds blancs d'un ami peintre ont fini par devenir plus lumineux que les murs blancs de l'atelier au bout de cinq ans de conditionnement dans celui-ci. Le blanc a bel et bien changé de nature et je suis heureux d'avoir pris le plis très tôt. Il est agressif (David Batchelor en parle dans son livre "La peur de la couleur"). Qui l'eût cru ?  Il doit tendre à être cassé.

 

LE GRIS:

 

Les peintres en font tout un plat mais c'est très simple: il y a deux types de gris le gris chromatique obtenu avec d'autres couleurs que juste le noir et le blanc et le gris achromatique. Trop sombre il devient tombal, trop clair inconsistant (même s'il "a de l'espoir" comme dit Kandinsky). J'ai choisi mon camp chromatique, une sorte de peau morte grise avec encore des restes colorées: dans les jeux vidéos les zones du corps des "boss" ou des monstres à tuer devenaient généralement grises avant d'exploser. Franchement je l'accepte s'il advient par hasard mais je ne cours pas après. Les gris de Corot sont divin et jamais tristes. Que dire... il existe surtout pour calmer l'excitation des autres couleurs, il dépend d'elles. Seul il est comme sans vie. 

 

LE BLEU:

 

Ce salopard. C'est un salopard mais personne ne lui résiste: sa royauté impressionne toujours autant. Le bleu nuit ne me séduit plus parce qu'il en séduit trop: soyons snob de cette couleur. Problème: pour un travail en épaisseur comme le mien il s'incarne mal (c'était pas prévu au programme ?). Il ne veut pas se salir, se matérialise mal. Guston le dit, le bleu ne "prend" pas, il est ailleurs: c'est une couleur artifice. Autant l'utiliser comme telle: le bleu chimique des glaces Schtroumpf, ou un glacis bleu fluo pour une profondeur bizarroïde par exemple. Cette couleur casse toutes les harmonies de teintes naturelles ou chair, contredit tout le travail. Un type de bleu échappe à la règle: le turquoise est ludique. Un bleu jouet Fisherprice tellement rigolo que finalement, lui aussi, on aurait envie de le bouffer. Autant bien l'infantiliser pour qu'il arrête avec ces grands airs de couleur la plus chère du moyen-âge. Toutes les bonnes choses ont une fin. D'ailleurs je le supprimerait définitivement très bientôt il demande trop d'attention. Il ne doit pas être trop solennel. Le bleu canard passe. Sinon le bleu Céladon serait un clin d'oeil aux effets céramique.

 

 

LE BEIGE:

 

Le beige est très limité mais crucial. Il faut qu'il s'accepte dans sa médiocrité pour tous nous surprendre. Un beige chaud un peu rosé ou grisé apporte la lourdeur nécessaire à une harmonie chromatique trop frivole tout en évitant le rabas-joie du gris. Il ne doit pas chercher d'effets trop étrange, un bon aplat basique est efficace. Côtoyer les autres couleurs tête baissée, telle est sa condition en ce bas monde. Beurre, Bisque, Bis, blanc crème, CARNATION: voilà leur signification. Ivoire: quoi en penser vis à vis de son origine biologique minérale ? C'est le lieu de passage des métamorphoses de mes peaux fantastiques. La case départ.

 

LE JAUNE

 

Pendant longtemps j'ai choyer un jaune citron, acide. Elle me donnait le peps dont j'avais besoin. Mais trop clair, depuis j'ai trouvé encore mieux et c'est le jaune moutarde qui fait mon bonheur. C'est une couleur entre deux mondes: ni chaud ni froid, pas encore dans les verts marécageux mais plus dans le jaune primaire simple. Une pointe de noir suffit et je rajoute en plus des pigments métalisés pour avoir un moutarde radioactif. C'est de la peau de fruits moisis, d'humains aussi tant qu'on se l'imagine, une bouillie encore fraîche ou bien une soupe qui serait sucrée. Une couleur optimiste malgrès des blessures de guerre. Elue porte parole des couleurs cheloues.  AMORA. Le jaune banane y tend. Un caca d'oie clair, presque fluo avec une pointe de rose chair et on y es.  Les jaunes Naples manquent de consistance. Aucune pâleur n'est permise à l'acrylique, surtout en mat: risque d'ennui mortel. 

 

L'OR ANGE:

 

Je vais être intransigeant  avec cette soi-disante couleur criarde et vulgaire: elle se la pète, même fluo elle en fait de trop et n'atteint pas le chic des autres couleurs flashs. C'est la couleur des pancartes de soldes et ce n'est pas pour rien: on est dans le cheap, le bon marché et surtout la grosse connerie. Car malgrès tout  il lui reste une qualité: l'humour. Le carotène des carottes sorties de la terre terne c'est pas une blague de Dieu non tellement ces teintes n'ont aucun rapport ? La vie est une farce, parole de rouquin.

 

LE ROSE:

 

Ou plutôt un rose: le rose chair fluo, proche du vermillon. Le rose saumon ou chair a tendance à m'écoeurer. Le rose mexicain est un rose bonbon un peu mauve.

 Irrésistible comme le bleu sauf que là c'est à son tour d'être la star de l'époque. Et pas le rose fille d'Hello Kitty, le rose adolescente. Les tropiques, le corail fou: on y es et avec une seule couleur. Le poser par endroit sans en abuser, juste pour dire qu'on est resté jeune, dans le coup. 

 

LE MARRON:

 

Pour des raisons évidentes que je vous laisse deviner, je ne suis pas en mesure d'utiliser cette couleur pour mes textures. L'aspect métallisé permettrait de rehausser en intensité les cigares, feuilles mortes, le kaki qui n'est ni un vert ni un brun, terre d'ombre, terre de sienne/ sienne brûlée et de transformer par la même occasion leur sens. BROWN IS THE NEW BLACK: par ces nouveaux pigments métallisés il s'offre une nouvelle jeunesse, moins terne on l'espère car forcément brillant de par sa nouvelle nature (l'aspect métallisé n'est pas actif en mat ou satiné).  Le bitume de Judée en pigment me donne des glacis terreux presque bleuté, celui là je le conserve. 

 

LE VERT:

 

Il est partout, humble envahisseur. Se marie avec tout, se faufile entre toutes les gammes. Ses facettes sont multiples. Change du tout au tout selon les tons, qu'il soit fluo ou vert d'eau on ne parle pas de la même couleur. Vert caméléon. Je pourrais réduire ma palette avec des teintes exclusivement vertes et ça marcherait autant. Si j'était né dans une autre culture je ne ferai pas de distinction de nom entre certains vert et certain bleu tellement la limite est infime. Vous voyez le vert menthe des chewingums ? En fluo, pâle et très légèrement bleuté c'est celui des zombies.